MARSEILLE
Mag n°7
Avril 2017
“Je suis très fière de ce que mon quartier est devenu ”
Ouahiba Sadou a toujours vécu à La Cayolle, un quartier en renouvellement au sud de Marseille, bordant le parc national des calanques. Figure de la vie citoyenne de son quartier, elle est aussi un témoin enthousiaste de ses évolutions urbaines.
« J’aime parler de mon quartier. Il a longtemps cumulé de grosses difficultés : insécurité, dysfonctionnements urbains, aménagements inachevés... Mais aujourd’hui, après des années de rénovation urbaine, je peux dire haut et fort que je suis très fière de ce qu’il est devenu. Et je ne suis pas la seule !
Mes parents sont arrivés à La Cayolle en 1962. C’est à l’époque un « quartier-favela », avec des constructions faites de bric et de broc, loin du dur que nous connaissons aujourd’hui ! À ma naissance, en 1969, notre famille a emménagé dans des préfabriqués : je m’en souviens comme de grands alignements de quatre ou cinq appartements, constitués d’une grande pièce à vivre, sans cuisine, avec deux à trois chambres, des toilettes mais pas de salle de bain. Pour nous laver, nous faisions chauffer l’eau dans de grosses marmites. L’eau s’écoulait à même le sol, et on la redirigeait vers les escaliers pour ne pas inonder la pièce à vivre !
Lorsque les opérations de démolition des préfabriqués ont commencé pour laisser la place à des constructions en dur, nous avons été relogés à la Pointe rouge, pas loin du quartier. Mes parents et mes frères ont très mal vécu ce changement : ils étaient toujours fourrés à la Cayolle !
Lorsque mon premier enfant est né, j’ai eu la chance d’obtenir un logement neuf à la Cayolle. C’est là que j’ai ressenti le besoin de m’investir dans ce quartier qui m’avait vu grandir. J’ai d’abord créé l’association des parents d’élèves de l’école des Calanques, pour créer un lien, souvent absent, entre familles d’élèves et enseignants. J’ai pensé cette association comme une passerelle, comme une médiation entre parents — souvent paralysés par une maîtrise imparfaite de la langue — et les équipes éducatives.
L’association n’existe plus en tant que telle aujourd’hui, j’en ai modifié les statuts pour l’ouvrir à d’autres démarches. Elle s’appelle « Parents », et vise à accompagner les parents dans toutes les dimensions qu’implique leur rôle. Par exemple, nous avons organisé des marches exploratoires de femmes : comme le nom le laisse entendre, nous avons accompagné des femmes du quartier lors de déambulations pour relever les dysfonctionnements, ou tout ce qui pouvait représenter un danger pour un enfant, ou un obstacle pour une femme avec une poussette.... : trous sur les trottoirs, garde fous cassés... Nous avons convié à l’une de nos marches des responsables de la politique de la ville à la mairie, mais aussi des associations locales, des représentants préfectoraux... Un petit livret récapitulatif des aménagements nécessaires a été produit ; aujourd’hui, je dois dire que tous les points noirs identifiés ont été résorbés !
Je tiens également, aux côtés d’autres membres de l’association, une permanence pour un des bailleurs sociaux du quartier, la LOGIREM, dans le cadre d’un « café chantier » : tous les jeudis matins, nous accueillons les habitants, notons leurs remarques, leurs doléances. Je veux renseigner les gens, et je veux leur apporter l’information lorsqu’elle ne vient pas facilement à eux !
Aujourd’hui, le quartier a beaucoup changé : espaces publics, nouveaux équipements publics, embellissement des cités, travail paysager... Seul point noir encore, c’est la question des transports : le quartier devrait être encore plus accessible.Les habitants me disent souvent qu’ils se sont sentis oubliés pendant les vingt-cinq dernières années. Aujourd’hui, ils sont heureux d’inviter des personnes chez eux, de montrer leur quartier, et surtout, heureux d’y vivre ! »
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